Joliebulle, c'est aussi un p'tit livre de recettes qui vient de sortir.

Fermentation vs Respiration : l'Effet Crabtree

#levures
2021-11-05 (dernière édition)

Je sais bien que cet article va intéresser une minorité de lecteurs…

Mais ce genre de petit concept ?

Déjà, ça me fait plaisir de le partager.

Et c'est super utile pour comprendre le fonctionnement de nos levures.

Et malgré les termes un peu barbares qu’on utilise en biologie, ça reste simple.

Si vous êtes arrivé ici par hasard, je vous conseille vivement de lire avant cet article, histoire d’avoir un peu de contexte.

Comment les levures transforment les sucres
Comment les levures consomment les sucres (pour les transformer en alcool)
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/levures-utilisation-sucres

A ce stade, vous savez qu’il existe 2 voies métaboliques pour les sucres :

  • la respiration
  • la fermentation, qui produit de l’éthanol

Si on raisonne par quantité d’énergie produite par molécule de glucose ?

La respiration est beaucoup, beaucoup plus rentable que la fermentation.

10 fois plus.

C’est l’ordre de grandeur.

Et pourtant…

Dans un environnement riche en sucre…

Les levures vont préférer fermenter les sucres.

Donc la voie la moins rentable.

Pourquoi ?

Un débit plus rapide

Je sur-simplifie, mais quand je parle d’énergie, je parle de la production de molécules d’ATP.

Pas de panique !

L’ATP, il faut juste voir ça comme le carburant de la cellule.

Sa réserve d’énergie, indispensable pour vivre sa vie.

La fermentation produit beaucoup moins de molécules d’ATP pour chaque molécule de glucose…

Mais elle le fait beaucoup plus vite !

Une fois que la levure s’est engagée dans cette voie, le débit de production des molécules d’ATP devient plus rapide que dans la respiration.

En résumé ?

La levure “gaspille” le sucre disponible pour avoir plus d’énergie à disposition plus rapidement.

Ce qui permet une croissance plus rapide de la population de levures.

Prendre le dessus sur les autres micro-organismes

Le résultat de la fermentation ? De l’éthanol est relâché dans le milieu.

Les autres micro-organismes n’apprécient généralement pas.

(L’éthanol est anti-septique)

Alors que nos levures ?

Elles ont une très bonne tolérance à l’alcool.

C’est un sacré avantage évolutif, pour prendre le dessus sur les autres micro-organismes en compétition pour consommer les sucres du moût.

Au final :

D’un côté, la production rapide d’énergie assure la croissance rapide de la population de levures.

D’un autre côté, l’éthanol produit torpille les compétiteurs.

Bien joué.

Retournement de situation

Je vous refais la chronologie du truc. Vous allez voir, il y a un petit twist à la fin.

Dans un milieu riche en glucose + oxygène :

  1. Les gènes impliqués dans la respiration sont fortement réprimés : la population n’évolue pas, les levures adaptent leur métabolisme.
  2. Après une période d’adaptation, les levures s’engagent dans la fermentation.
  3. La population augmente très vite, en produisant de l’éthanol.
  4. Les sucres s’épuisent. La croissance s’arrête.

Mais l’éthanol n’est pas perdu !

En présence d’oxygène, il existe une autre voie métabolique qui permet aux levures de “respirer” l’éthanol.

Les levures sont donc capables de consommer l’éthanol produit auparavant pour reprendre leur croissance.

En théorie.

En pratique, cette bascule entre le mode “fermentation des sucres” et le mode “respiration de l’éthanol” n’existe pas dans le cas du brassage, car la présence d’oxygène est indispensable.

Et au moment où les sucres s’épuisent, il n’y a plus d’oxygène dans le moût.

Pour terminer, je vous renvoie vers un autre article :

Les 3 phases de la fermentation
La croissance d'une population de levures dans un milieu sucré en 3 phases...
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