Joliebulle, c'est aussi un p'tit livre de recettes qui vient de sortir.

Document de travail préliminaire. Le matériel.

#développement
#matériel
2021-01-01 (dernière édition)

Même mise en garde que pour les autres documents de travail publiés : il s’agit d’un document à usage interne et partagé dans un premier temps uniquement avec le reste de la communauté d’utilisateurs. Il n’est pas exhaustif, et il ne s’agit pas d’un document de référence sur le sujet : tout ça a été rédigé rapidement, dans un style relâché, avec simplement la volonté d’expliquer le contexte général dans lequel le développement s’est déroulé et comme base de discussion. Comme le document s’est avéré plus utile et cité que prévu, je le reproduis ici.

J’ajoute la prise en compte de l’équipement dans les calculs de brassage.

Voici quelques pistes pour comprendre la terminologie, configurer son matériel et comprendre les calculs sous-jacents.

Brassage et pré-ébullition

  • Volume perdu : le volume de liquide non récupérable, qui ne partira donc pas dans la cuve d’ébullition. Par exemple, le volume perdu sous un robinet de cuve. Ce volume est logiquement ajouté à l’eau de rinçage prévue initialement.

  • Volume compensé : le volume d’eau qui ne sera pas mélangé aux céréales mais qui sera récupéré en cuve d’ébullition. C’est un paramètre utile en cas de faux-fond placé très haut par exemple. Le liquide sous le faux-fond peut être évacué par le robinet de cuve et/ou recirculé, mais à un instant t il n’est pas en contact avec les céréales. Pour maintenir le ratio d’empatage prévu ce volume est donc ajouté à l’eau de brassage initiale, et pour atteindre le volume cible en pré-ébullition il est retranché du volume de rinçage.

Ebullition

Rien de changé.

Le point important ici reste le volume évaporé.

Post-ébullition

Ça devient plus compliqué. Jusque là, les différents paramètres se répercutaient uniquement sur les calculs de volumes, mais pas sur les caractéristiques finales de la bière.

A ce stade il y a plusieurs façons de faire et voici quelques exemples :

Solution n°1 : faire n’importe quoi

Cette solution a été adoptée par un certain nombre de logiciels que j’ai passé en revue, et j’espère que Joliebulle ne viendra pas grossir les rangs. Je ne jette la pierre à personne, il est facile de se faire des noeuds au cerveau avec ces calculs.

Un exemple : je paramètre 2l de pertes dans le trub, le logiciel ajoute 2l au volume d’ébullition pour compenser et… c’est tout. Cette dilution magique n’influe pas sur la couleur, ni sur la densité, ni sur l’amertume. Ou parfois, dans le meilleur des cas, sur un seul point.

Ça ne fonctionne pas comme ça.

Cette eau il a bien fallu l’ajouter à un moment.

Avant l’ébu : tu dilues donc le moût, et tu perds de la couleur et de la densité. Comme le volume d’ébu est plus important et que la densité est plus basse, il faut aussi recalculer l’amertume.

Après l’ébu : sans commentaire. Tu dilues purement et simplement la bière.

Solution n°2 : le raisonnement “à rebours”

C’est le mode de fonctionnement un gros logiciel commercial de brassage, que je vais éviter de nommer ici.

C’est une méthode qui a des avantages, mais aussi l’inconvénient d’être contre-intuitive et incompréhensible pour les nouveaux venus. On va voir ça. Le raisonnement est le suivant.

On fixe dans le logiciel le volume souhaité dans le fermenteur, et le rendement de la brasserie. Ces deux valeurs ne vont pas bouger avec le reste des calculs. Donc si le volume final est fixe, et que tu ajoutes des pertes au refroidissement, ça veut dire qu’il faut compenser le volume de post-ébu, et donc le volume de pré-ébu. Donc comme plus haut, tu dilues, et tu perds de la couleur et de l’amertume. En revanche, comme le rendement brasserie est fixe, la densité ne bouge pas et le logiciel te calcule un rendement de brassage supérieur.

Je vais te redire ça autrement.

Tu ouvres une recette et décide d’ajouter des pertes liées au refroidissement ou au trub. Le volume final ne bouge pas, la couleur (EBC) diminue, l’amertume (IBU) diminue, la DI ne varie pas, et le rendement du brassage calculé augmente.

A ce stade, en pratique, si tu voulais retrouver les caractéristiques d’origine de la recette, il faudrait diminuer manuellement le rendement brasserie pour que le rendement brassage diminue aussi et soit en accord avec ton installation, puis ajuster les quantités d’ingrédients pour retrouver les DI, EBC et IBU précédents.

Bizarre non ? C’est pourtant assez pratique pour la formulation de recette. Tu configures une fois ton matériel, puis chaque recette que tu vas créer sera calculée en prenant en compte ces pertes. Au moins tu es sûr du volume que tu vas retrouver dans ton fermenteur. En théorie. Parce que si tu as la bonne idée de modifier le volume de pertes au refroidissement après avoir composé la recette, tu vas devenir fou et tu ne seras pas seul : les forums anglo-saxons sont remplis d’utilisateurs qui tournent en rond pour comprendre les calculs tordus effectués par le logiciel.

Le noeud du problème, c’est que dans la vraie vie les caractéristiques de la bière (DI, IBU, EBC) sont fixées une fois que l’ébullition est terminée. Les différentes pertes qui interviennent après ne modifient pas ces caractéristiques mais seulement le volume qui se retrouve dans le fermenteur.

Si tu perds de la bière dans un circuit de 15 mètres de tuyaux et que tu renverses la moitié de ton fermenteur, la seule chose qui change c’est le volume (et peut-être tes relations conjugales si 10 litres d’Imperial Stout nappent le sol de la cuisine…).

Donc logiquement, si tu prévois de perdre 2l de bière à ce stade, le logiciel pourrait te conseiller de brasser 2l de plus. C’est ce que tu ferais dans la vraie vie. Mais non. C’est là que les choses dérapent :

  • il va diluer en ajoutant de l’eau à l’ébu, pour garder le même volume en fermenteur (pour rappel, celui-ci est fixe), et donc diminuer EBC et IBU.
  • MAIS il ne va pas toucher à la densité, qui devrait aussi baisser. Pourquoi ? Parce que l’efficacité brasserie est fixe, et pour garder la même densité le logiciel va considérer que ton efficacité de brassage augmente…

Je répète : tu ajoutes des pertes post-ébu, le logiciel en déduit que ton rendement de brassage augmente.

Une illustration d'un gouffre insondable

Restons courtois. Je ne suis pas très confortable avec cette approche. Il y a un gros problème de logique qui émerge quand on considère que le rendement de brasserie est fixe mais que les pertes, qui participent au calcul de ce même rendement, sont modifiables dans le logiciel.

Et c’est d’autant plus gênant que les pertes liées au trub ne dépendent pas strictement du matériel mais aussi de la recette.

Je trouve aussi un peu bizarre de fixer arbitrairement l’efficacité brasserie, qui va varier selon une chaine de facteurs plus ou moins maitrisés. Le rendement du brassage lui, est un peu plus prévisible.

Solution n°3 : le raisonnement linéaire

Il s’agit ici de suivre les mêmes étapes que le jour du brassage. On calcule toujours les volumes en partant de la fin (le volume souhaité en post-ébullition et le taux d’évaporation nous donne le volume pré-ébu, qui nous donne le volume de rinçage en fonction de…etc…), mais on change le volume final de référence : plutôt que de prendre le volume en fermenteur, on prend le volume post-ébu.

Je trouve que c’est plutôt une très bonne idée. Je radote, mais la seule chose qui peut se passer après l’ébullition, c’est une perte de volume. Pourquoi ne pas faire de même dans nos logiciels ?

Un exemple. Tu planifies un brassin de 15L en post ébu. Tu prévois 2L de pertes. Le logiciel te prévois ce qui va se passer réellement le jour du brassage : un rendement brasserie en baisse, et un volume final de 13L. Si tu tiens à retrouver absolument 15L en fermenteur, tu mets la recette à l’échelle et le logiciel te recalcule les quantités d’ingrédients nécessaires.

Pendant toute cette opération, les caractéristiques calculées finales n’ont pas variées.

Le seul inconvénient que je vois c’est le changement d’habitude des utilisateurs, dont la majorité s’attend à entrer manuellement le volume final en fermenteur et non un volume post-ébullition.

N°4 : l’autre voie

Je pense qu’il existe une dernière voie, qui nécessite un peu plus de calculs côté logiciel, mais qui est susceptible de mettre tout le monde d’accord.

On garde l’idée universelle que volume du brassin = volume en fermenteur.

Par contre on fixe le rendement de brassage et les caractéristiques de la recette, et on accepte que l’efficacité brasserie varie.

On paramètre une perte de volume entre la fin de l’ébu et l’arrivée dans le fermenteur → le logiciel compense par un volume supérieur en post-ébu et donc en pré-ébu et donc pendant la phase de brassage → le logiciel met la recette à l’échelle (= augmente la quantité des ingrédients) pour que le profil de la recette reste identique.

Et boum. Tu as le bon volume final. Tu as les caractéristiques finales prévues pour la bière. Tu as juste augmenté les quantités d’ingrédients, ce qui est logique puisque le rendement de la brasserie baisse avec les pertes supplémentaires.

Ce qui va se passer pour Joliebulle

Suite à mes propres essais et à différentes discussions avec d’autres brasseurs, nous allons adopter l’idée que volume du brassin = volume en post-ébullition après refroidissement.

C’est l’approche la plus directe et la plus logique.

Si on a une perte de volume entre la fin de l’ébullition et l’arrivée dans le fermenteur, ce sont le volume en fermenteur et l’efficacité brasserie qui seront affectés, et pas le reste de la recette.

Au final, on retient la solution 3.