Joliebulle, c'est aussi un p'tit livre de recettes qui vient de sortir.

Houblons: les acides alpha

#houblons
2021-12-23 (dernière édition)

Difficile de parler houblon et brassage sans parler des acides alpha : cette famille regroupe en effet les principaux composés amérisants du houblon.

Et nous allons donc les retrouver partout : sur les fiches descriptives des houblons, dans les logiciels de brassage, et dans des mesures de laboratoires (les fameux IBU)… et surtout dans notre moût…

Mais l’histoire commence dans les fleurs femelles du houblons, et plus précisément dans les glandes de lupuline, qui contiennent une résine amère chargée en acides alphas…

On dit "les" acides alphas car il s'agit en fait de plusieurs molécules différentes. Nous allons passer rapidement dessus.

Mais avant, je vous cause du pourcentage que l’on voit affiché partout.

Le pourcentage en acides alpha

Amarillo 9%…

Cascade 6%…

Centennial 10%…

Ce pourcentage d’acides alpha (AA) que l’on retrouve dans nos logiciels de brassage, ou sur nos paquets de houblons…?

C’est tout simplement la quantité d’AA rapporté au poids du houblon.

Votre paquet de 100g de Chinook noté à 13% d’AA ?

Il contient 13g d’acides alphas.

Enfin… en théorie.

Entre chaque fleur de houblon, il y a forcément une variabilité importante de la quantité d’AA. On peut en dégager une moyenne pour une récolte ou un lot, mais quand on utilise un petit échantillon du lot (et c’est souvent le cas pour les brasseurs amateurs) on peut s’attendre à des variations.

Ce n’est pas très grave, et de toute façon on ne peut rien y faire à notre échelle.

Les “gros” brasseurs n’ont pas ce problème, les quantités en jeu lissent fortement les variations. Avec parfois la possibilité de sélectionner spécifiquement certains lots, ce qui n’arrive jamais pour les amateurs ou les petits artisans : on prend ce qui est mis sur le marché de détail.

C’est probablement moins vrai pour les pellets, qui peuvent être un mélange de plusieurs lots ou récoltes, avec des caractéristiques moyennes plus homogènes.

Et dans le logiciel de brassage ?

Concrètement, le plus important est d’adapter le pourcentage d’AA dans vos recettes. Il y a des chances que la valeur enregistrée dans la base de données du logiciel soit un peu différente de celle de votre lot. C’est normal, il faudra juste re-calculer les quantités nécessaires.

Après tout, c’est justement pour ce genre de petite manipulation que nous utilisons un logiciel de brassage ;)

Les humulones

Les acides alphas.

On les appelle aussi humulones, et il y en a 5 types :

  • cohumulone
  • humulone
  • adhumulone
  • prehumulone
  • posthumulone

Les trois premiers sont largement majoritaires.

Y-a t’il un intérêt à les connaitre par coeur et à connaitre leur formule chimique ?

Pour les brasseurs, non.

Par contre, il y a un phénomène chimique que vous devez connaître. Les acides alpha, pendant l’ébullition, vont connaitre des transformations dans leur structure, ce qui va leur apporter des propriétés différentes : c’est le phénomène d’isomérisation.

Et c’est parce que nous recherchons ce phénomène que nous apportons des houblons à l’ébullition.

L’isomérisation

Des isomères, en chimie, ce sont des molécules avec la même formule chimique brute, mais un arrangement des atomes différent.

Dans notre cas, c’est la chaleur pendant l’ébullition qui va provoquer l’isomérisation des acides alphas.

Les iso-acides alpha qui en ressortent ont plusieurs propriétés :

  • ils sont beaucoup plus amers que les acides alphas non isomérisés. Au final, les iso-acides alphas sont les principaux contributeurs à l’amertume de la bière.
  • Ils sont très hydrophobes, ce qui va contribuer à la stabilité de la mousse.
  • ils ont des propriétés antibactériennes. Vous avez peut-être déjà entendu que le houblon contribuait à éviter la contamination de la bière par d’autre micro-organismes nuisibles. Les iso-acides alphas ont cet effet sur les bactéries à Gram positif.

Vous avez déjà entendu parler de la mesure des IBU ? Historiquement, c’est une mesure de détection de la concentration en iso-acides alphas.

Mesure de l'amertume : Qu'est-ce qu'un IBU?
On revoit en détail la définition des IBU, avec quelques surprises à la clé.
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Comprendre ce qui influence l’isomérisation des acides alphas est super important pour comprendre ou prédire l’amertume quand on ajoute des houblons à la phase d’ébullition.

Et pour ça, on utilise un indicateur bien pratique.

Le taux d’utilisation

C’est tout simplement le pourcentage d’acides alpha qui va être effectivement isomérisé.

Et quels sont les facteurs qui vont influencer l’isomérisation ?

Les plus importants :

  • la température : en dessous de 80°C, peu ou pas d’isomérisation
  • le temps : l’isomérisation est une fonction du temps d’ébullition
  • la densité du moût

Ces trois facteurs ?

On les retrouve dans la formule de Tinseth, qui est utilisée par quasiment tous les logiciels de brassage pour calculer les IBUs prévisibles.

Mais il y en a d’autres, qui ne sont pas toujours très bien documentés :

  • le pH
  • la taille du brassin
  • la quantité d’iso-acides alphas déjà présents dans le moût (il existerait un phénomène de saturation, plus il y a d’iso-AA, plus il va être difficile d’en extraire)
  • les iso-AA piégés dans le trub et que l’on ne retrouvera pas dans la bière finale
  • l’utilisation du houblon sous forme de cônes ou pellet
  • la composition minérale de l’eau de brassage

Mais ce n’est pas tout !

Une partie des iso-AA va également disparaitre pendant la fermentation : probablement autour de 20% de pertes, mais la souche de levure va jouer.

C’est plus qu’un détail, car la formule de Tinseth de nos logiciels ne prend pas en compte cette perte.

D’où l’intérêt de ne pas confondre IBU calculés et IBU mesurés et amertume perçue.

Vous savez que c’est mon dada ;)

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